En Afrique, les changements et les variations climatiques écrasent les méthodes traditionnelles de gestion agricole basées sur la connaissance et l’observation. Au Sénégal, Kaffrine, la principale région agricole du pays, n’a pas été épargnée par ces changements.
Dans le passé, les agriculteurs de Kaffrine reconnaissaient l’approche des nouvelles saisons en observant les changements de direction du vent. L’apparition soudaine de serpents et de grenouilles ou de fortes pluies précédées par un vent puissant et des nuages sombres provenant d’une direction particulière étaient une indication qu’une bonne saison des pluies était à prévoir, tandis que le retour de la rosée et d’un ciel dégagé indiquait la fin de la saison des pluies.
Or, la régularité de ces signes de prévision traditionnels et utilisés dans le Kaffrine a été perturbée au cours des deux dernières décennies. Depuis les années 1950, la région a connu des conditions extrêmement humides, suivies par des sècheresses dans les années 1970 et 1980. Les conditions ont été empirées par de longues périodes d’extrême sécheresse à la fin de la saison des pluies et de déluges récurrents. De plus, des précipitations abondantes avant la fin de la saison régulière des récoltes ont causé des ravages sur les cultures avant leur récolte. En outre, l’arrêt précoce des pluies avant la période critique de la floraison, en septembre, ont apporté de lourdes pertes aux producteurs de millet.
C’est dans ce contexte qu’une coalition de parties prenantes, y compris des agriculteurs (syndicats et agriculteurs individuels), l’Agence nationale de la météorologie du Sénégal (ANACIM), le ministère de l’Agriculture, le Programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS), et d’autres, ont lancé un programme pilote avec 33 agriculteurs venant de six villages de Kaffrine pour élaborer des prévisions des pluies saisonnières qui soient plus exactes et à jour. Celles-ci sont ensuite acheminées aux agriculteurs sous forme d’avis agro-météorologiques pour des localités spécifiques. Par conséquent, au lieu de compter sur les serpents et les grenouilles pour sentir les effets des mousson qui amènent la saison des pluies, les agriculteurs de Kaffrine comptent aujourd’hui sur les prévisions fondées sur l’information des lectures de satellites observant les moussons formées à distance dans le golfe de Guinée, sur les précipitations et la température enregistrée par les agriculteurs de la région de Kaffrine.
Enfin, afin de joindre les agriculteurs et faciliter la diffusion de l’information, l’Union des Radios Associatives et Communautaires du Sénégal (URAC), une association de 73 stations radio communautaires ayant des membres dans chacune des 14 régions du pays, a adhéré au projet Kaffrine afin de relayer des bulletins climatologiques en langue locale à quelque 2 millions d’agriculteurs dans tout le pays.