A l’initiative de Radios Rurales Internationales, un échange réunissant des partenaires de radiodiffusion d’Afrique et des experts du climat, s’est déroulé du 22 novembre au 17 décembre 2021. Ils étaient 250 originaires de dix pays d’Afrique subsaharienne, à participer à la discussion en français dans un groupe WhatsApp dédié. Deux autres plateformes numériques accueillaient simultanément la discussion en anglais et en portugais pour les anglophones et lusophones d’Afrique.
Organisé à la suite de la Conférence de Glasgow de 2021 sur le changement climatique, cet échange sur l’agriculture et le changement climatique part du constat d’un impact grandissant et parfois disproportionné du changement climatique sur les activités agricoles.
Au cours des quatre semaines, sous la conduite des facilitateurs Meli Rostand, Busi Ngcebetsha et Tunecas Homo, et l’encadrement technique de plusieurs experts, les participants ont partagé leur compréhension du changement climatique et des effets palpables sur l’agriculture dans leurs régions et les mesures idoines d’adaptation.
Sur la connaissance du changement climatique et de ses effets, les échanges l’expliquent comme une variation inattendue du climat et des conditions météorologiques sur le long terme, caractérisé par l’irrégularité des pluies, une augmentation prononcée des températures, entrainant une perturbation du calendrier agricole. Il découle des actions de l’homme, génératrices du gaz à effet de serre qui agit négativement sur la nature.
Le changement climatique entraine des effets néfastes sur le quotidien des agriculteurs, agricultrices, pêcheurs et éleveurs. Ces altérations sont causes de la réduction de la biodiversité et rendements agricoles faibles. La rareté des pluies empêche le développement des cultures et l’excès des pluies entraine des inondations avec des conséquences néfastes sur l’agriculture. L’élévation du niveau de la mer entraine la destruction des habitations et plantations situées en zone côtière.
Sur les informations dont ont besoin les agriculteurs et agricultrices, nous avons noté le besoin d’imprégnation sur des techniques d’adaptation, le besoin des données météorologiques fiables pour mieux planifier les travaux champêtres, ainsi que les bonnes pratiques pour la gestion durable des terres.
Il a été aussi relevé que les agriculteurs et agricultrices ont pour sources d’information, les services gouvernementaux de la météorologie et de l’environnement, les Organisations Non Gouvernementales à travers les conférences et séminaires, les ressources de Radios Rurales Internationales, les Organisations Paysannes, les réseaux sociaux et les programmes spécialisés de lutte contre le changement climatique pour certains pays.
Cette discussion a aussi été l’occasion de jauger l’impact de ces changements climatiques sur les femmes en particulier au vu de leur prédominance et leur rôle prépondérant en agriculture, et comment elles s’évertuent pour s’adapter aux difficultés. Il ressort des échanges que seules celles qui ont été à l’école arrivent à comprendre ce phénomène. Elles constatent avec impuissance les débuts précoces et tardifs des saisons, les poches de sécheresse pendant l’hivernage et l’arrêt précoces et tardifs des pluies qui entrainent de faibles rendements.
De manière générale, leurs cultures sont détruites par de fortes chutes de grêles et fortes pluies qui inondent les champs et des vents violents qui détruisent leurs cultures. Aussi, des poches de sécheresses observées à contretemps causent de grands retards dans la croissance des cultures et provoquent de faibles productivités. Dans certaines régions d’Afrique, les agricultrices sèment les graines parfois aux premières pluies, mais lorsque ces pluies disparaissent pour revenir tardivement, les graines sèchent au sol et elles sont obligées de semer de nouveau, jouant en quelques sortes aux devinettes avec le temps.
Il a été noté cependant que le changement climatique a permis aux femmes de certaines régions de se mettre ensemble pour booster leurs économies. En créant des Groupes d’Initiative Communes et associations de production agricole, elles sont arrivées à mutualiser les risques pour assurer de bonnes productions et de bénéficier des subventions mais aussi des formations dispensées par des ONG. Les cultures qui subissent de plein fouet les effets du changement climatique varient d’une région à l’autre et l’on note la présence des femmes dans la chaîne de valeur agricole (production, transformation semi industrielle ou traditionnelle et la commercialisation).
Elles ont besoin de savoir quelle technique ou stratégie adopter pour faire face au changement climatique, savoir ce qui affecte les saisons, ce qui provoque la rareté des pluies et la formation sur les bonnes pratiques culturales : comment en cas de pénurie d’eau, utiliser des procédés d’irrigation, comment anticiper sur ces changements climatiques et s’adapter. Les agriculteurs ont besoins des données météorologiques, d’être suffisamment informés sur les notions du cycle de pluie, avantages de l’arbre, conséquences de la coupe d’arbres et de l’agriculture sur brûlis. Ils/elles ont besoins d’être formés sur le système d’irrigation, connaître tout sur les semences et leurs cycles et s’imprégner des techniques de cultures alternées.
La quatrième et dernière semaine de la discussion était essentiellement consacrée aux mesures d’adaptation. Il en ressort une pléthore de propositions, les unes aussi importante que les autres. L’on relève entre autres :
- l’ajustement des activités agricoles en fonction des prévisions météorologiques ;
- la mutualisation des efforts dans les groupements d’intérêt commun pour monter et soumettre des projets d’adaptation à des bailleurs de fonds ;
- l’usage des cordons pierreux pour freiner l’érosion hydrique et pratiquer la régénération naturelle assistée en agroforesterie ;
- la protection par la construction des digues avec des pierres ou autres matériaux, ou le retrait, c’est-à-dire quitter la zone côtière face à l’élévation du niveau de la mer;
- l’usage des banquettes antiérosives et les demi-lunes pour favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol afin d’en accroître la fertilité et limiter l’érosion dans les régions où les pluies sont insuffisantes;
- la construction des petits barrages de retenu d’eau pour le maraîchage et la pisciculture permet aussi d’approvisionner la nappe phréatique qui alimente les puits;
- entreprendre les cours d’agriculture à la base avec des théories et pratiques à l’appui pour aider les jeunes à se nantir très tôt des mesures d’adaptation aux changements climatiques ;
- impliquer la communauté rurales et spécialement les femmes dans la gestion durable des ressources comme l’eau et les forêts. Faciliter l’accès des femmes aux services de vulgarisation agricole et à la formation sur les techniques d’adaptation aux changements climatiques ;
- promouvoir les programmes et initiatives de reboisement, d’utilisation des techniques de conservation des eaux et des sols, d’emploi d’engrais organiques, etc. ;
- pratiquer l’agriculture hors sol, sous les serres aménagés ;
- pratiquer le ‘zaï’, une technique traditionnelle de réhabilitation de la productivité des terres pauvres. Cette pratique consiste à creuser manuellement les trous pour y recueillir les eaux de ruissellement et les matières organiques afin d’y semer les graines ;
- l’association de l’agriculture et de l’élevage est aussi un atout. Les déchets issus de l’élevage pourraient servir d’engrais ;
- ne jamais incendier les herbes ou appliquer la technique de paillage, afin d’assurer une bonne conservation de l’eau dans le sol ;
- utiliser les variétés à cycle court ou intermédiaire, des variétés tolérantes à la sécheresse ;
- pratiquer l’irrigation à travers des forages équipés de pompe solaire, l’adoption des variétés hybrides et hâtives améliorées ainsi que les nouvelles techniques agricoles d’atténuation des effets du changement climatique ;
- utiliser des systèmes d’irrigation économique appelé ‘goute à goute’ au moyen d’un réseau de tuyauterie ou des bidons d’huile percés aux pieds des plantes.
Le rôle fédérateur de la radio
La radio a été identifiée au cours de la discussion comme l’un des moyens les plus efficaces pour véhiculer les messages et mobiliser les masses. A ce titre elle peut développer des émissions focalisées sur les solutions aux difficultés relatives au changement climatique. Les radios peuvent diffuser les informations du bulletin Barza infos et autres documents et textes de Radios Rurales Internationales sur l’adaptation au changement climatique, interviewer les experts sur les questions intéressantes à l’instar des techniques de fertilisation du sol et d’irrigation pour de meilleurs rendements. Les radios doivent alerter en début de saison sur l’éventuelle durée de la saison agricole et informer quotidiennement les populations sur les prévisions météorologiques avec le concours des agents vulgarisateurs attitrés.
Elle peut aussi communiquer sur la mise en œuvre des projets communautaires, montrer les méfaits de l’utilisation des produits chimiques sur la santé, l’environnement etc. à travers plusieurs types de formats d’émissions (spots, sketchs, table-rondes, magazines et débats) sur les bonnes pratiques culturales et donner les informations sur les marchés et la météo. L’efficacité et l’efficience de cette démarche repose sur l’utilisation de la langue de communication la plus appropriée pour les agriculteurs et agricultrices de la zone couverte, ainsi que les tranches horaires de grande écoute, afin de s’assurer que le message atteigne la cible.
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