L’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a été signé par 44 États membres de l’Union africaine lors du sommet historique de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu à Kigali en mars 2018. Par la suite, le nombre de signataires est rapidement passé à 54 des 55 États membres de l’UA, représentant un degré remarquable de consensus à travers le continent. Depuis lors, la ratification par 24 États membres de l’UA a abouti à l’entrée en vigueur de l’Accord le 30 mai 2019 et les échanges au sein des 33 États membres de l’UA (en décembre 2020) qui avaient ratifié l’Accord ont officiellement commencé le 1er janvier 2021.Il est pensé que l’accord créera un marché unique africain de plus d’un milliard de consommateurs avec un PIB combiné de 2,5 billions de dollars. La ZLECAf crée une zone de libre-échange continentale en s’appuyant sur les progrès pertinents déjà réalisés dans diverses régions d’Afrique. L’article 8 de l’accord stipule que les États membres qui appartiennent à d’autres Communautés économiques régionales (CER) qui ont déjà atteint des niveaux plus élevés d’élimination des droits de douane et des barrières commerciales doivent maintenir, et si possible améliorer, le niveau plus élevé de libéralisation eux-mêmes.
En ce qui concerne l’agriculture, le commerce agricole intra-africain est particulièrement sous-exploité en raison des tarifs d’importation élevés, d’autres barrières non tarifaires (telles que les normes de santé et de sécurité), d’une faible productivité et d’un manque de connectivité rurale. Ainsi, la ZLECAf devrait, entre autres solutions, corriger cela et encourager le commerce agricole intra-africain pour les produits alimentaires et les intrants comme matières premières dans les agro-industries. Dans cette optique, cette étude commandée par l’Organisation panafricaine des agriculteurs (PAFO) explique comment positionner au mieux les réseaux des organisations paysannes africaines (OP) dans le contexte de la ZLECAf. L’objectif de l’étude est d’évaluer le degré d’implication des OPs africaines dans le processus de négociation et la meilleure manière de renforcer les capacités pour participer pleinement à la mise en œuvre de la ZLECAf au profit des paysans africains en particulier.
L’agriculture représente une part importante des économies de tous les pays africains et, en tant que secteur, elle contribue aux grandes priorités continentales, telles que l’éradication de la pauvreté et de la faim, la stimulation du commerce et des investissements intra-africains, l’industrialisation rapide et la diversification économique, la gestion durable des ressources et de l’environnement, création d’emplois, sécurité humaine et prospérité partagée. Dans de nombreux pays africains, l’agriculture est le secteur prédominant de l’économie, représentant en moyenne 25% du PIB de l’Afrique subsaharienne et bien au-dessus de ce niveau pour de nombreux pays. Compte tenu du rôle important de l’agriculture dans les économies de l’Afrique subsaharienne et de sa position de premier employeur, elle est et devrait effectivement être au cœur de la transformation qu’elle mérite. La ZLECAf a le potentiel de contribuer à la transformation agricole grâce à une interaction accrue des paysans africains, un marché plus large pour les intrants agricoles et les produits agricoles et des efforts unifiés pour améliorer les chaînes de valeur à travers le continent.
Le rôle des organisations paysannes africaines (OPs) est et continuera d’être essentiel pour soutenir les paysans dans le contexte de la ZLECAf. Alors que tout le continent africain s’efforce de garantir que le marché unique africain créé par la ZLECAf fonctionne vraiment pour tous les Africains, les OPs africaines ont le mandat de soutenir les paysans africains et doivent donc être correctement positionnées pour jouer leur rôle. Bien que la plupart des paysans ne soient pas dans le commerce mais plutôt dans le secteur de la ‘« production »’, leurs produits’ « produits agricoles »’ sont les produits essentiels pour le commerce agroalimentaire, ils doivent donc être soutenus pour faire partie de la « valeur / des chaînes d’approvisionnement ». Cela nécessite des campagnes de sensibilisation pour augmenter le niveau de sensibilisation, de formation (renforcement des capacités) pour assurer un niveau approprié de compréhension, de plaidoyer pour l’élimination de tout obstacle et de mobilisation de tout le soutien nécessaire.
Il est important de noter que, bien que la ZLECAf soit un accord commercial en termes généraux, certaines dispositions spécifiques affecteront directement l’agriculture. Les produits agricoles font partie du commerce intra-africain qui sera entre autres directement touché par la mise en œuvre de la ZLECAf à travers l’élimination ou la réduction des tarifs, droites et autres charges financières. L’Union africaine (UA) a même noté qu’un avantage potentiel important de la ZLECAfest l’augmentation de la sécurité alimentaire grâce à la réduction des obstacles au commerce des produits agricoles entre les pays africains. De toute évidence, la ZLECAfaffectera probablement les modèles de production agricole et de commerce en Afrique. En effet, le commerce agricole intra-africain a tendance à bénéficier de niveaux de protection plus élevés que le commerce des autres secteurs. Dans cette optique, les dispositions spécifiques de la ZLECAf qui concerneront directement l’agriculture et l’agro-industrie en Afrique comprennent les suivantes :
i) Élimination ou réduction des restrictions quantitatives
ii) Règles sur les obstacles non tarifaires (ONT)
iii) Obstacles techniques au commerce (OTC)
iv) Mesures intégrées pour compenser les effets négatifs de la libéralisation (listes d’exclusion, mesures correctives et sauvegardes commerciales et facilitation du commerce)
En ce qui concerne les perceptions des organisations paysannes régionales (OPR), les connaissances se situent davantage aux niveaux supérieurs qu’aux niveaux inférieurs. À travers le continent, il est largement reconnu que les connaissances et la sensibilisation sur la ZLECAf sont plus accessibles par les représentants de haut niveau des paysans africains dans leurs organisations respectives, mais pas par les paysans eux-mêmes et donc la nécessité de s’assurer que la sensibilisation atteint même la base au niveau des paysans et des acteurs concernés. Selon les représentants du réseau des membres de la PAFO dans les cinq (5) régions du continent, la prise de conscience est plus au sommet et il reste beaucoup à faire pour la porter également au niveau de la base.
Dans l’ensemble, la perception générale des OPR est pessimiste avec une appréciation que la ZLECAf présente des opportunités pour tous les Africains, y compris les paysans africains. Ils sont également prompts à ajouter que pour que les paysans bénéficient pleinement des opportunités connexes, il est nécessaire d’accroître la sensibilisation et même d’aller au-delà pour faciliter une compréhension plus profonde qui permet aux paysans d’aller au-delà de leur rôle traditionnel de simplement produire pour participer à l’agro-industrie éco système et se positionner sur les chaînes d’approvisionnement / de valeur. Cela nécessite des programmes intensifs et étendus de sensibilisation, de formation et de renforcement des capacités.
Compte tenu de la contribution significative du secteur agricole à l’économie africaine et du rôle important joué par les paysans sur le continent, il est nécessaire de mobiliser le soutien des cadres africains pour une pleine participation à la ZLECAf en mettant en œuvre les recommandations suivantes ;
i. Mettre en œuvre les recommandations des OPR africaines
ii. Plaidoyer continu sur les questions politiques clés
iii. Renforcer les organisations paysannes à travers le continent africain
iv. Concevoir un programme de soutien spécifique
v. Appui ciblé / spécifique à la PAFO
vi. Relier les paysans familiaux aux marchés et aux chaînes de valeur pertinentes
vii. Engager et coordonner les partenaires et parties prenantes concernés
viii.Renforcer le partenariat de la PAFO et de la CUA
ix. Utiliser la ZLECAf pour promouvoir la sécurité alimentaire et renforcer l’agro-industrie
Dans un effort pour mettre en œuvre les recommandations proposées, les cinq (5) interventions stratégiques suivantes seront envisagées pour faciliter la fourniture du soutien pertinent aux paysans africains par le biais de leurs OPs respectives pour une participation effective et pour en bénéficier dans le contexte de la ZLECAf, à savoir :
i) Améliorer la recherche sur les questions clés pertinentes pour assurer un plaidoyer fondé sur des preuves sur les questions pertinentes affectant les paysans sur le continent africain.
ii) Renforcement des capacités institutionnelles des OPs africaines à différents niveaux.
iii) Renforcement du partenariat entre la Commission de l’Union africaine (CUA) et la PAFO. iv) Construire davantage de partenariats et d’alliances avec diverses organisations à travers le continent avec des missions pertinentes.
v)Aider les OPs africaines à s’impliquer dans le processus de la ZLECAf à travers des campagnes de sensibilisation et des programmes de renforcement des capacités.
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