Modeste Shabani Bin Sweni est né à Kibungo, dans la chefferie de Bakwange, dans la province du Maniema, en RDC. À l’époque de sa naissance, le village n’avait ni école, ni centre de santé, ni électricité, ni réseau de communication et ni station de radio locale. Ses parents et les autres villageois vivaient de pêche et d’agriculture. Pour aller à l’école, il dut se rendre chez un oncle à 50 kilomètres.
Pendant les périodes des tensions politiques en RDC, de 1990 à 1992, ses parents, à l’instar de plusieurs villageois se tenaient informés en écoutant des radios étrangères comme Radio France International. Mais comme les émissions étaient en français, ils payaient certains membres de la communauté pour leur expliquer les nouvelles en langue locale. Par moment, on les trompait et on profitait même d’eux. Monsieur Shabani Bin Sweni était dégouté, et il persuada son oncle paternel de le payer pour faire la traduction. Par conséquent, les gens de son village l’ont apprécié, au point que sa famille le surnomma le « journaliste de la famille. »
Après avoir étudié l’économie à l’université, il créa la coopérative paysanne agricole COOPADEM qui réunissait au départ 3 600 agriculteurs. Très vite, il se rendit compte qu’il devait sensibiliser la communauté sur d’importants sujets tels que les techniques agricoles, la malnutrition et la scolarisation des filles. Il commença par des séances de formation communautaire, puis eut l’idée de créer une station de radio locale, la première de la province du Maniema.
Sauti Ya Mkaaji (Voix du paysan) commença à émettre sur un rayon d’un kilomètre en 2004. Avec l’aide de l’organisation CARE, la station a désormais un équipement moderne avec une portée de 60 kilomètres. La station est également devenue un groupe de presse communautaire avec quatre stations émettant à Kasongo, Bikenge, Salamabila, et bientôt Samba. Ils diffusent des magazines, des émissions interactives, des reportages, des histoires à succès, etc., toujours avec beaucoup d’interactions avec leurs auditoires ruraux. Monsieur Shabani Bin Sweni est le chef d’équipe de cette opération.
Peu après son ouverture, Sauti ya Mkaaji est devenue un partenaire de radiodiffusion de RRI et monsieur Shabani Bin Sweni a reçu des ressources de RRI sur un CD. Maintenant, il lit Barza infos. En fait, il affirme avoir proposé le nom « Barza »! reçoit des ressources par courriel et par le biais du site Web de RRI. Il a aussi participé à deux concours organisés par RRI, dont sur la rédaction de scénarios.
Monsieur Shabani Bin Sweni soutient que les stations membres de Sauti ya Mkaaji sont bien connectées à la population et reçoivent souvent des appels téléphoniques ou des commentaires écrits d’agriculteurs et d’agricultrices, notamment par le biais des clubs d’écoute. Lorsque les animateurs et les animatrices descendent sur terrain pour enregistrer des émissions ou animer des jeux publics, ils se concentrent pour recueillir les voix de jeunes, de personnes âgées et de femmes pour s’assurer que ces derniers sont entendus dans les émissions radiophoniques. Monsieur Shabani Bin Sweni déclare : « Toutes ces approches réunies nous permettent d’être toujours plus proches de l’auditeur. Chaque jour, il y a une ou deux émissions interactives. »
Chaque matin, de 6 h à 6 h 30, il y a une tribune téléphonique pour « prendre la température de la région » lorsque les personnes qui appellent communiquent des nouvelles locales comme les messages nécrologiques, les données de sécurité actualisées etc. » À ses dires, la grille des programmes de la radio est élaborée en fonction des commentaires des auditeurs et des auditrices.
Sauti ya Mkaaji a contribué à l’amélioration des conditions de vie des communautés locales de deux manières au moins. La première c’est à travers leur projet « Vision 20-20 », qui consistait à mobiliser, sensibiliser et former les communautés rurales par l’entremise des groupes d’écoute. Ce projet visait à rendre les gens plus heureux et à se sentir plus à l’aise en milieu rural afin de pouvoir subvenir à leurs besoins par l’agriculture et la pêche et à ne pas migrer en ville. Leur but était de construire sept maisons en dure et en tôle dans chaque village de Kasongo, et de diffuser des émissions radiophoniques présentant des expériences et des histoires à succès. Monsieur Shabani Bin Sweni raconte qu’ils ont construit 10 000 maisons depuis le démarrage du projet en 2013.
Le gouvernement central est intervenu également après la diffusion des émissions, et les débats radiophoniques ont révélé d’importants problèmes locaux comme l’impraticabilité des routes, le manque d’unités de transformation, l’offre insuffisante de semences améliorées et l’insécurité dans certaines régions. Le gouvernent a été poussé à mettre en place un projet dénommé « Pour la relance de l’agriculture au Maniema. » Ce programme est appuyé financièrement par le Fonds international de développement agricole, et Sauti ya Mkaaji est un partenaire de communication. Les résultats sont prometteurs.
Modeste Shabani Bin Sweni est un des finalistes du Prix des communications George Atkins de 2019. Ce prix de Radios Rurales Internationales est décerné aux radiodiffuseurs et aux radiodiffuseuses qui se consacrent à servir leur auditoire rural. En savoir plus des lauréats: http://wire.farmradio.fm/fr/spotlights