«Pour autant que je me souvienne, mon père n’a jamais eu d’emploi, il a toujours travaillé pour lui-même. Il était technicien en bâtiment et agriculteur, produisant du maïs, des pommes de terre, du chou et des épinards. Il élevait aussi quelques chèvres »
M. Mthuthuzeli Gqiza, est un petit producteur de choux de la localité de Goso à Mt Ayliff, Eastern Cape en Afrique du Sud. «Je viens d’un milieu très pauvre et j’ai été élevé par des parents sans instruction. Nous étions quatre et je suis le premier né. J’ai grandi en aidant mon père à vendre des choses comme des vêtements et des produits de la ferme. Même si mon père ne gagnait pas grand-chose, j’ai réussi à aller à l’école et j’ai obtenu mon diplôme en sciences sociales, j’ai même eu une mention honorable en Relations de Travail. J’ai travaillé pour le département du travail de la municipalité pendant sept mois et je suis passé au département des services de base pour soutenir les petites entreprises agroalimentaires pendant quatre ans. J’ai ensuite quitté la municipalité et travaillé pour un OSBL appelé SEDA à Alfred Nzo en tant que directeur de centre. C’était un très bon travail, et le salaire était très bon. J’ai eu l’occasion de parcourir le monde, de visiter d’autres pays comme la Malaisie, la Chine et les États-Unis pour assister à des conférences d’incubation. Cela a fait renaitre mon amour pour l’agriculture ».
Il a démissionné de son emploi bien rémunéré pour suivre sa passion
M. Gqiza suit sa ferme de choux avec passion. Il dit que le chou est une culture très pratique, surtout dans les zones rurales. Si vous avez du chou, vous aurez toujours quelque chose à manger. Même pour les pauvres, une tête de chou représente bien plus par rapport à d’autres cultures comme les épinards. Cette passion vient de l’éducation et de l’expérience acquise en tant qu’inspecteur du travail et superviseur au fil des ans. «Cela m’a fait renouer avec l’agriculture et j’ai commencé à cultiver du chou à très petite échelle en 2012 alors que je travaillais encore à plein temps. J’ai démissionné en 2018 de mon poste de PDG et j’ai décidé de me concentrer sur l’agriculture et je me suis spécialisé dans la culture du chou. Je n’ai jamais été formellement formé à cela; J’ai utilisé l’expérience que j’ai acquise en tant que jeune garçon en aidant mon père dans le jardin et je me suis aussi renseigné sur internet. J’ai commencé avec 25 plants et en 3 à 4 mois mon chiffre d’affaires était de R20000. J’ai réalisé un chiffre d’affaires annuel de R660 000. Ma famille a pensé que j’étais victime d’ensorcèlement quand je leur ai dit que je démissionnais pour me concentrer sur l’agriculture. Ils se demandaient pourquoi je quittais un emploi bien rémunéré pour quelque chose dont je n’étais pas sûr, mais j’étais déterminé à suivre ma passion et le résultat là. Mon terrain n’est pas grand, j’ai actuellement 5 hectares et j’exploite 2 hectares pour mon chou et entretemps je développe encore les 3 autres hectares en fixant la clôture et en installant un système d’irrigation. Je peux nourrir ma famille et gagner encore plus que prévu. »
Bien que tout semble bien fonctionner pour M. Gqiza, il reste encore quelques défis à relever
La route du succès n’est pas toujours facile. «J’ai tiré quelques leçons de mon parcours d’agriculteur. Les défis auxquels nous sommes confrontés sont les suivants:
• Obtenir des intrants est un défi, car nous devons voyager dans d’autres provinces. Ils ne sont pas disponibles là où nous sommes.
• Notre gouvernement n’est pas utile à tous les agriculteurs et semble favoriser un groupe spécifique d’agriculteurs. Nous ne pouvons pas avoir accès au crédit ou à la livraison.
• Le gouvernement ne soutient que les coopératives et non les agriculteurs individuels et certains d’entre nous choisissent de travailler individuellement.
• Pas d’accès au marché si vous êtes un petit agriculteur. La municipalité ne peut pas négocier l’accès au marché, par exemple nous référer des entreprises locales pour qu’elles puissent acheter à des producteurs locaux comme nous.
• Les entreprises qui achètent chez nous déterminent le prix et nous finissons par ne pas avoir notre mot à dire sur la transaction. C’est à prendre ou à laissez.
• Il n’y a pratiquement aucun soutien de quelque part que ce soit pour les petits agriculteurs. J’ai fait une demande de fonds de secours Covid 19, comme l’a annoncé le gouvernement, mais ma demande a été rejetée, tout comme les demandes d’autres agriculteurs que je connais. Le gouvernement pense que nous avons tous besoin d’un soutien financier, pourtant tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un accès au marché. »
Comment la Covid 19 a affecté son entreprise agricole
Le chou est le légume le plus populaire dans nos villages. Sur 10 ménages, 9 dépendent du chou. En hiver, tout le monde achète du chou; c’est le seul légume vert disponible. «Récolter le chou en petites quantités parce qu’il n’a pas accès aux marchés fait perdre beaucoup de temps. Dans ma région, les gens ne se soucient toujours pas de la Covid 19. Ils pensent que c’est loin d’eux, probablement parce qu’ils n’ont pas entendu parler de quelqu’un qu’ils connaissent qui a été infecté. Certains disent qu’ils ont souffert d’une période de pauvreté différente qu’ils considèrent comme plus grave que Covid 19. Nous prenons juste les précautions nécessaires mais rien n’a changé. Les grandes entreprises sont les plus touchées. Je dois dire qu’en tant que petits agriculteurs, nous bénéficions pendant cette période, car de plus en plus de gens viennent acheter directement chez nous. Ils préfèrent venir chez nous que d’aller en ville pour leurs besoins en légumes. »
Conseils aux jeunes pour réussir en agriculture
«Quand j’étais jeune, je pensais que mon père me punissait quand il m’invitait à l’aider dans sa ferme. Je n’étais pas content, mais c’est avec l’argent gagné dans sa ferme qu’il payait mes frais de scolarité. Maintenant, je comprends. Le chômage est très élevé dans mon pays et le gouvernement accorde aux jeunes des subventions et autres types d’appuis et cela les rend encore plus paresseux. Quand j’ai commencé à cultiver à très petite échelle, je disparaissais de mon bureau et j’allais travailler dans mon petit jardin jusqu’à ce que je décide de démissionner. Ma démission a créé des opportunités d’emploi pour les autres. À mon époque, même à l’école, l’agriculture était utilisée comme une forme de punition et cette attitude ne peut vous amener à développer un intérêt pour l’agriculture. Cela doit changer si ça se pratiquait encore. Les jeunes doivent penser à l’agriculture au lieu de dépendre des dons. Les restrictions occasionnées par la Covid 19 ont en quelque sorte ravivée les bases de la vie. Les gens ont changé leur perception de la vie. Certains ont même commencé à faire de petites cultures dans leurs jardins afin de ne pas avoir à tout acheter. Les familles doivent encourager leurs jeunes à apprendre et à aimer l’agriculture. »