Partout en Afrique de l’Ouest, les femmes rurales montrent que l’agriculture à petite échelle est non seulement le fondement de systèmes alimentaires mondiaux durables, mais aussi une voie d’autonomisation économique, sociale et politique.
Allons à la rencontre de trois d’entre elles qui guident leur communauté vers un avenir de prospérité et d’égalité.
Les pieds sur terre
Lorsqu’Anta était enfant, les jeunes femmes quittaient généralement leur village de Ngoudiane pour Dakar, la capitale du Sénégal, pour y trouver du travail en tant qu’employée de maison. Anta décrit ce travail comme « misérable » mais les jeunes de Ngoudiane n’avaient pas d’autres perspectives à l’échelle locale.
À cette époque, jamais Anta n’aurait pu imaginer vivre de l’agriculture. C’est pourtant ce qu’elle est parvenue à faire avec l’aide de l’initiative Agri-Jeunes, soutenue par le FIDA, qui a aidé 14 jeunes femmes, dont Anta, à monter leur entreprise agricole.

Au début, les voisins ont ri, arguant aux jeunes femmes qu’elles ne vivaient pas avec leur temps et que l’agriculture les condamnait à la pauvreté. Pas de quoi décourager Anta. « Entre nous, on aime à dire que la pauvreté n’est pas une chose qu’on cultive mais un état d’esprit », dit-elle.
Les jeunes femmes ont élaboré un plan d’activité et reçu un financement initial de 630 000 francs CFA (soit 1 000 USD), qu’elles ont investi afin d’améliorer la parcelle de terre qu’elles partagent, et ont acheté des semences pour faire pousser des piments, des oignons et d’autres légumes. Après leur première récolte, elles ont investi dans une deuxième, se dégageant un bénéfice de 102 000 francs CFA (soit 162 USD). Les voisins n’avaient plus grand chose à redire.
Aujourd’hui, après avoir suivi une formation multimédias, Anta et ses amies réalisent des vidéos qu’elles publient sur YouTube afin de commercialiser leurs produits et de montrer que l’agriculture est une activité valorisante, tant pour les exploitants que pour leur communauté.
« Pourquoi ne pas rester dans son village ou au Sénégal et travailler la terre? La terre de ment pas », affirme Anta. « Nous sommes convaincues que l’agriculture peut transformer notre village et le monde ».
Graines d’avenir
Comme de nombreux jeunes, Dorothy a eu du mal à trouver un emploi après ses études. Alors qu’elle est issue d’une famille d’agriculteurs, elle n’a pas réussi à trouver de travail dans sa spécialité, l’ingénierie agricole. Elle commençait à croire que l’agriculture n’était pas une activité viable.
Mais en 2016, elle a découvert le Programme de développement des filières, appuyé par le FIDA, dont le but est de rendre les zones rurales du Nigéria prospères et d’y assurer la sécurité alimentaire en renforçant les filières des principales cultures, telles que le riz et le manioc.

Dorothy a su saisir cette occasion pour développer ses compétences dans son domaine de prédilection. Grâce à la formation et au demi-hectare de terre reçus dans le cadre du Programme, elle a appris à produire des semences de riz de qualité et certifiées. Les semences certifiées représentent un certain coût mais avec les bonnes techniques de plantation et la production accrue qui en découle, l’investissement est largement remboursé.
Pour persuader les agriculteurs locaux d’adopter ces semences, Dorothy a commencé à en distribuer gratuitement. Les exploitants les ont essayées et ont vu leur production croître. En 2018, elle a vendu sa première récolte de semences certifiées. Elle est très heureuse de son choix.
Aujourd’hui, Dorothy est à la tête d’une entreprise agricole florissante. Non seulement elle produit ses propres semences mais elle sous-traite la production à d’autres agriculteurs, à qui elle fournit des intrants et des formations en la matière. Elle achète leur récolte à un prix prédéterminé et tout le monde y gagne.
« Quand je regarde mon exploitation, je vois la nature, la création de Dieu, et je suis en lien avec elle », explique-t-elle. « Je vois la fertilité de ces sols qui nourrissent mes cultures. Je vois la demande à laquelle je serai en mesure de répondre, sans jamais perdre de vue que la population locale doit pouvoir vivre sans connaître la faim ».
Une seconde vie
À 17 ans, Fatima a vu sa vie voler brutalement en éclats. Alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, elle a été mariée de force et victime de violence domestique. Elle a finalement trouvé le courage de quitter cette relation, emmenant ses deux enfants avec elle.

Après s’être remariée, elle a commencé à cultiver les rizières de sa belle-famille dans la région côtière de Quinara en Guinée-Bissau. Mais comme partout ailleurs dans la région, ses rizières étaient régulièrement inondées et incultivables.
Un jour, le chef de son village a entendu parler du PADES, un projet soutenu par le FIDA, et de ses actions de réhabilitation des rizières permettant d’accroître la production agricole et de garantir la sécurité alimentaire. Désespérés, les villageois ont décidé d’envoyer les membres d’une délégation au siège du PADES pour y demander de l’aide. Parmi eux, se trouvait Fatima.
En 2019, avec l’appui du PADES, les rizières du village ont été réhabilitées. Des systèmes de gestion des eaux ont été mis en place pour éviter les inondations et un comité de gestion des rizières a été établi afin d’apprendre aux riziculteurs à entretenir ces systèmes et de leur enseigner de bonnes pratiques agricoles. Fatima est devenue membre du comité et en a été élue présidente deux ans plus tard.
Depuis, Fatima aide son village à gérer ses ressources en eaux et ses rizières. Sous sa présidence, les parcelles vivent une deuxième vie. Elle est une inspiration pour les femmes de son village et une fervente défenseuse de l’éducation des filles.
« Le fait d’être à un poste de prise de décision au sein de l’association des riziculteurs m’a permis de reconstruire ma vie et de panser les blessures émotionnelles que je portais depuis que j’avais été forcée de quitter l’école à 17 ans. J’ai retrouvé ma confiance en moi », dit-elle.
Les femmes sont la colonne vertébrale des sociétés rurales d’Afrique de l’Ouest. Pourtant, rares sont celles qui jouissent de perspectives économiques et d’une position influente dans leur communauté. Le parcours de Dorothy, de Fatima et d’Anta est la preuve que bien accompagnées sur le plan financier et technique, les femmes peuvent apporter le changement et parfaitement trouver leur place, au sein de leur communauté et au-delà.